Calanques for ever
Mise a jour le 17 mars 2022
Difficile de rester de marbre quand vous entrez dans le massif des calanques de Marseille. Ces grandes falaises de calcaire blanc, illuminées par l’intense soleil du sud, qui plongent dans une mer turquoise, forment un paysage féerique qui a inspiré de nombreux poètes, écrivains, chanteurs ou cinéastes. Ce massif a également vu grandir de célèbres alpinistes et grimpeurs comme Gaston Rébuffat ou Georges Livanos pour ne citer qu’eux.
Avec plus de 3000 voies réparties sur un terrain de jeu de 520 km2, le parc national des calanques constitue l’un des plus beaux sites de grimpe en Europe tant par les paysages, la qualité du rocher et la diversité des voies. Jordanne, Léa, Lorraine, Didier, Vivian ont eu l’occasion de parcourir avec moi quelques grandes classiques du massif entre le 17 et le 20 septembre 2021. Cet article a pour but de partager un peu cette expérience avec vous.
Choisir quatre voies parmi 3000 n’est pas simple. Ce stage étant organisé dans le but d’amener les participants vers une plus grande autonomie en grande voie, il fallait que chacun puisse grimper en tête et que le niveau de grimpe ne soit pas trop facile pour garder un peu de « piment ». Un autre objectif était de pouvoir découvrir chaque jour une nouvelle calanque afin de profiter de différents points de vue sur le massif. Enfin, la météo est comme d’habitude une contrainte avec laquelle il faut savoir jouer. Même mi-septembre, il peut vite faire très très chaud dans les calanques, attention à l’orientation des voies ! Egalement, le mistral, ce fort vent du nord, peut vite compliquer une descente en rappel ou augmenter le stress dans une voie débonnaire. Enfin, il faut surveiller la houle pour éviter de se retrouver les pieds dans l’eau, car certains départs de voies ou traversée sont à quelques centimètres du niveau de la mer. Oui, les ouvreurs ont souvent voulu maximiser la hauteur de leur voie. Bref, le programme de ce long week-end a donc été le suivant.
Lors de la première journée, nous sommes allés grimper la voie « l’antécime » au Bec de Sormiou. La calanque de Sormiou est une des calanques incontournables pour les visiteurs occasionnels comme nous. Après une première partie à travers la garrigue, la beauté de cette calanque se dévoile d’un coup au col de Sormiou. Même si je le sais, je suis toujours émerveillé. Depuis la plage, une petite marche d’approche en bord de la mer permet de rejoindre le départ de la voie au niveau du cap Redon. Cette voie a l’avantage d’être exposée nord-est. Ainsi nous avons pu grimper à l’ombre. Le jour de notre visite, nous étions également à l’abri du vent. Jordanne et Vivian ont grimpé en cordée autonome dans cette voie de 120 mètres assez bien équipée. Le niveau est homogène dans le 5b/c. La plus belle longueur est certainement la cinquième, un 5c qui débute par un dièdre en Dülfer suivi d’une belle section verticale où il faut savoir trouver les bonnes prises. Jordanne, Lorraine et Vivian se sont bien battus dans ce passage. Au sommet, nous avons profité de la vue en grignotant un sandwich. De retour sur la plage de la calanque, nous avons pris un petit bain de mer. C’est presque une obligation dans les calanques. Cette première journée fut une belle entrée en matière.
Pour le deuxième jour, Léa et Didier nous ont rejoints. J’ai proposé d’aller grimper dans la calanque d’En Vau. C’est probablement la plus belle calanque du parc, mais elle se mérite, car il faut une bonne heure de marche pour la rejoindre. Nous sommes partis depuis Cassis en passant par les calanques de Port-Miou et Port-Pin. Il y avait énormément de promeneurs. Afin de sortir des sentiers battus et profiter au maximum de la vue, j’ai conduit le groupe par un chemin « de grimpeurs » qui permet de rejoindre En Vau depuis le haut du plateau en rive gauche de la calanque (bon mes souvenirs n’étaient plus très frais, nous avons suivi très très vieux sentier…). Arrivés sur la plage, c’était la foule : baigneurs, promeneurs, et militaires en séance de récupération active. Nous nous sommes vite échappés pour rejoindre le secteur des Américains par la vire du grand rappel et rejoindre notre voie du jour « La calanque » . Sur le topo collaboratif camptocamp, il était indiqué que la première longueur était partiellement équipée. J’ai donc pris la tête de la première cordée avec Jordan et Vivian afin d’ajouter des points de protection pour la deuxième cordée constituée de Léa (en tête), Didier et Lorraine. Mais en fait, ce n’était pas le cas. La cheminée patinée de cette première longueur n’était certes pas facile pour des grimpeurs non habitués à ce style d’escalade à l’ancienne, mais il y avait des spits tout neufs. Léa a donc pu grimper sans souci. Puis, Vivian a pris la tête de la première cordée et grimpé un magnifique mur raide bien prisu pour rejoindre une terrasse confortable où nous avons fait un relais (il a enchaîné deux longueurs L2 et L3). La fin de la troisième longueur a été l’occasion de prendre de magnifiques photos de grimpe avec une mer turquoise et de superbes falaises en arrière-plan. Certains râlaient un peu quand je leur demandais de faire une pause. Eh oui, il faut tenir les prises pendant quelques secondes pour bien cadrer, mais le résultat est splendide. Jordanne a pris la tête pour la quatrième longueur, assez raide et difficile à grimper avec la patine. Puis, Vivian a enchaîné dans un joli dièdre pour terminer la voie. Léa a tout grimpé en tête avec beaucoup d’aisance et assuré Lorraine et son père comme une experte. Après une pause déjeuner très tardive, nous avons pris le sentier de retour. Là aussi, j’ai mis un peu de temps à retrouver le rappel du trou du canon. Ma dernière visite dans ces lieux date de plus de vingt ans… De retour dans la calanque, nous prenons le sentier touristique pour rentrer. J’avais envisagé de grimper une seconde voie pour remonter sur le plateau, mais il est déjà bien tard.
Troisième jour, troisième calanque. Nous sommes allés aux Goudes. Les falaises sont moins hautes et un peu en retrait de la mer sur des collines couvertes de garrigue. C’est une autre ambiance, mais les lames des Goudes qu’il est possible de traverser par une très longue voie sont juste magnifiques. La marche d’approche a l’avantage d’être beaucoup plus courte, ce qui n’est pas négligeable après deux jours de grimpe. Malheureusement, la configuration des falaises dévie le mistral pour l’orienter juste sur la voie que j’espérais grimper (l’arête de la cordée). Je propose un plan B, plus court, mais plus soutenue « la rectiligne ». C’est une voie ouverte par Livanos en 1940 qui a certainement vu passer des milliers de grimpeurs. La première longueur est excessivement patinée et dans un style de grimpe à l’ancienne (fissure – dièdre). Craignant d’assister à une mauvaise chute, je décide de passer en tête et de faire grimper les deux cordées « en second ». La manœuvre est un peu fastidieuse, mais elle a l’avantage de mettre notre petit groupe dans le « dur » sans prendre de risque. Le tire-clou devient rapidement un geste de grimpe comme les autres. Seule la troisième et dernière longueur, bien que gazeuse, permet de souffler un peu. A la descente, nous coinçons la corde dans le dernier rappel. Pour la décoincer, nous en profitons pour grimper quelques lignes de couenne en 6a/6a+.
Quatrième jour, nous changeons complètement de style de rocher pour aller découvrir les falaises de Cap Canaille. Ici les éblouissantes falaises de calcaire blanc sont remplacées par un rocher en conglomérat rouge très vertical, voire souvent surplombant. Ce secteur a été exploité plus tardivement par les grimpeurs locaux, car le rocher est moins fiable. Toutefois avec le bleu de la méditerranée en arrière-plan, le tout forme un paysage magnifique. Nous sommes allés grimper LA très grande classique du secteur « ouvreur de bouse ». La marche d’approche est exténuante sous le soleil : 1 minute montre en main entre le parking et début des rappels. Comme au Verdon, les voies de Cap Canaille commencent souvent par la descente, ce qui ajoute un peu d’aventure à la sortie : il faut ressortir par le haut, car sinon c’est la punition pour revenir au parking en chausson d’escalade par le long sentier de secours. Le petit groupe étant déjà bien autonome sur les manips, chacun gère seul sa descente en rappel. Pour grimper, nous faisons deux cordées : Vivian, Jordanne et moi, suivi de Léa, Didier et Lorraine. La première longueur est un 5c avec un passage malaisé où il faut souvent se résigner à tirer au clou ou mettre une pédale. Didier était à deux doigts d’enchaîner le pas, pourtant il a tout donné comme d’habitude. Suit, une petite traversée facile avec un passage un peu impressionnant. Jordanne, qui est passée en tête, enchaine sans souci. La troisième longueur présente deux options : une raide fissure en 6a+ ou un passage en 4 dans un dièdre poussiéreux. Le groupe choisit cette dernière option. Nous retrouvons alors la plateforme du premier rappel où les cordées s’agglutinent tant à la montée qu’à la descente. Mais la cohue est vite oubliée avec les deux longueurs suivantes (5c+ et 5c) qui sont juste majeures dans ce niveau de difficulté. Vivian enchaîne avec panache sous les yeux des touristes, qui observent médusés, les grimpeurs sortir de cette section légèrement surplombante. Léa se bat aussi en tête, mais se laisse intimider par l’ambiance de la voie.
Voilà quatre jours bien remplis qui je suis sûr laisserons à tous des souvenirs inaltérables.
2 commentaires
Martin
Trop classe, y’a des grimpeurs chanceux dans ce club =D
JPierre
C’est sûr,ça donne envie!